Courrier International – n° 514
Trad. Par Pierre Vanrie
Les violences provoquées récemment à Khoramabad par des groupes extrémistes téléguidés par certains cercles conservateurs du pouvoir mettent en exergue l’hypocrisie du discours soi-disant pacifiste de la plus haute autorité politique de la République islamique d’Iran, l’ayatollah Ali Khameneï.
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Hayat é No
Téhéran
Au moment des manifestations étudiantes de l’année passée et suite aux débordements provoqués par des contre-manifestants, le guide suprême, l’ayatollah Khameneï avait déclaré : « Tout acte violent, s’il est commis au nom de la défense de la religion est un acte délictueux et condamnable. Face à des opposants et même dans une situation où l’on viendrait à insulter le guide suprême, en déchirant ou en brulant son portrait par exemple, il faut faire preuve de patience et ne pas avoir de comportement violent. » A cette époque, ces propos du guide de la révolution semblaient traduire un consensus régnant parmi les différents responsables du régime pour rejeter toute forme de violence. Le message s’adressait en principe aux groupes radicaux qui ont fait de la défense des valeurs saintes et de la sharia leur cheval de bataille. Néanmoins, le prétexte de l’ « obéissance aveugle aux ordres du guide » qui est l’horizon indépassable de dizaines de ces groupes ultras, a pourtant été brandi à nouveau pour justifier des actions violentes qui ont eu pour cadre cette fois la petite ville de Khoramabad (ouest, chef-lieu de la province du Lorestan).
Ces groupes violents ont ainsi reçu l’ordre d’empêcher à tout prix la venue dans cette ville de deux figures éminentes du mouvement réformateur (l’universitaire Soroush et le théologien moderniste Kadivar) qui étaient invités à participer à la convention annuelle de l’Union nationale des associations islamiques estudiantines (pro-Khatemi). Pour ce faire, ils n’ont pas hésité à encercler l’aéroport, à tabasser des étudiants et à blesser l’adjoint du gouverneur de la province. A noter que ces événements ont eu lieu quelques jours à peine après que le président Khatemi ait déclaré à la télévision qu’il s’engageait à « créer les conditions d’un débat politique critique et serein dans le pays » !
La capacité logistique de ces groupes violents à amener rapidement des troupes dans une localité comme Khoramabad est un message clair à l’attention des réformateurs. En substance, il signifie que désormais ces extrémistes ne se limiteront plus à harceler les réformateurs dans les grandes villes mais qu’ils sont tout à fait capables de le faire jusque dans des petites villes comme Khoramabad. Dans ce contexte, ces derniers événements doivent également être compris comme un moyen d’intimider ceux qui au sein du pouvoir croient encore possible de concilier religion et démocratie.
En outre, les blessures infligées à l’adjoint du gouverneur, qui est pourtant un blessé de guerre, est un autre signe fort envoyés aux réformateurs par ces groupes violents. En l’occurrence, il signifie que toutes les valeurs révolutionnaires telles qu’ « appartenir à une famille de martyrs », « être blessé de guerre » … ne sont valables que dans la mesure où l’on partage leurs idées et leurs intérêts. Dans le cas contraire, même un individu qui a sacrifié les plus belles années de sa vie pour la révolution n’est pas à l’abri de leurs attaques.
Aujourd’hui, les auteurs des crimes contre les étudiants de l’Université de Téhéran ont été acquittés alors que les victimes de cette violence ont été condamnés à de lourdes peines de prison. Malgré cela, les étudiants qui soutiennent les réformes refusent la violence et continuent de se distinguer de groupes ultras dont la seule philosophie se limite à considérer que « celui qui n’est pas avec moi est obligatoirement contre moi ». Dans ce contexte, il convient de se concentrer sur l’avenir des réformes et de rester optimiste.